Histoire et identité
Les origines
La statistique mathématique telle qu'on la connaît aujourd'hui est une discipline récente dont la formalisation à partir de la théorie des probabilités remonte aux années 1930. L'histoire de l'ENSAE est indissociable de ce développement de la statistique comme branche des mathématiques appliquées, mais aussi de ses applications économiques et sociales.
En 1942 est créée une École d'application du Service national des statistiques, qui devient en 1946 l'École d’application de l’INSEE à la création de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques. L'école forme à l'origine principalement les cadres de l'administration statistique et économique, avec des promotions d'une dizaine d'élèves issus majoritairement de l'École polytechnique. En l'école reçoit son nom actuel d'École nationale de la statistique et de l’administration économique. La taille des promotions augmente et les élèves non fonctionnaires deviennent rapidement majoritaires, la double formation à l’économie et à la statistique répondant à une demande croissante des entreprises.
Les grandes lignes du projet pédagogique de l'ENSAE sont tracées dès l'origine par son fondateur et premier directeur Eugène Morice (1897-1983), qui définit son double champ de compétences en statistique et en économie. Mais c'est Edmond Malinvaud, qui lui succède en 1962, qui fait prendre son essor à l'ENSAE. Grâce à son action et son expérience exceptionnelle de haut fonctionnaire, savant et enseignant, l'école acquiert le prestige académique et l'image d'excellence scientifique que ses partenaires lui reconnaissent aujourd'hui. Sous son impulsion, la modélisation économique et l'économétrie se développent, cette dernière devenant une discipline clé de l'école à l'interface de la statistique mathématique et de l'analyse économique. La formation de l'ENSAE présente ainsi d'emblée l'originalité d'associer des enseignements relevant de disciplines cloisonnées à l'université, afin de délivrer des compétences cohérentes dans une perspective d'exploitation des données pour la décision. Ce positionnement pluridisciplinaire est resté remarquablement stable au cours du temps et constitue encore aujourd'hui, avec l'exigence de rigueur scientifique, le marqueur de l'ENSAE.
Dès son origine, l'école s'appuie sur un recrutement diversifié entre élèves polytechniciens, élèves issus des classes préparatoires scientifiques (concours “option mathématique” et “option économie”), et étudiants issus de l'université. A partir de 1985, le vivier s'élargit aux Khâgnes scientifiques, au croisement des cultures littéraire et scientifique. Dès 1962, un centre de formation pour les économistes-statisticiens des pays en développement (CESD) est créé au sein même de l'ENSAE pour former des élèves africains. Ces formations sont progressivement réparties au sein d'un réseau d'écoles de statistique africaines, qui reste étroitement lié à l'école et à l'INSEE.
La période récente
Le Centre de recherche en économie et statistique (CREST) est créé en 1980 au sein de l'ENSAE.
Jusqu'à la fin des années 1980, l'ENSAE comporte deux divisions dédiées respectivement à la formation des statisticiens-économistes et administrateurs de l'INSEE (division SEA) et des cadres de gestion statistique et attachés de l'INSEE (division CSGA). En 1994, le rapport Lesourne-Curien conduit à scinder l'ENSAE en deux écoles, la première au périmètre de la division SEA, qui garde le nom d'ENSAE, la seconde, au périmètre CGSA, devenant l'Ecole nationale de la statistique et de l'analyse de l'information (ENSAI) et s'orientant davantage vers la statistique, la gestion des données, l'ingénierie statistique et l'informatique. Ces deux écoles, ainsi que le centre de formation continue (le CEPE, créé en 1957 et rattaché à l'ENSAE en 1987) et le CREST, forment le Groupe des écoles nationales d'économie et statistique (GENES).
Dans les années 1980, la demande des banques, des assurances et des services financiers des grandes entreprises pour les diplômés de l'ENSAE explose. L'école s'adapte à cette demande en développant une offre d'enseignements de spécialisation en finance et en assurance, et en créant un laboratoire de finance au sein du CREST.
Dans les années 2000, l'ENSAE affirme son identité de grande école d'ingénieurs en rejoignant le Concours commun Mines-Ponts et le réseau ParisTech, avec onze autres écoles franciliennes d'excellence (l'AgroParisTech, Arts et Métiers ParisTech, Chimie ParisTech, École des Ponts ParisTech, École polytechnique, ENSTA ParisTech, ESPCI ParisTech, HEC Paris, Institut d'optique Graduate School, Mines ParisTech, Télécom ParisTech). En 2012, le GENES est doté du statut de grand établissement public d'enseignement supérieur et de recherche, et gagne en autonomie pour pouvoir prendre part aux recompositions de l'enseignement supérieur. Le CREST devient une unité mixte de recherche CNRS-GENES-École polytechnique. À l'étroit dans ses locaux de Malakoff, l’ENSAE prend la décision de s'installer sur le plateau de Saclay. Elle devient membre fondateur de la COMUE Université Paris-Saclay et emménage en septembre 2017, avec les pôles parisiens du CREST et du GENES, dans un nouveau bâtiment construit à proximité de l'École polytechnique. L'ENSAE quitte le réseau ParisTech et la COMUE en É. Elle change alors son nom de ENSAE ParisTech en ENSAE Paris.
Après 80 ans, l’ENSAE est donc entrée dans une nouvelle phase de son histoire. L’Institut Polytechnique de Paris est désormais une réalité : établissement expérimental d’enseignement supérieur et de recherche, accrédité à délivrer les diplômes de master et de doctorat, il a fait sa première rentrée en septembre 2019. L'ENSAE et le CREST lui apportent leur expertise en statistique et machine learning, économie et sociologie quantitatives, finance et actuariat. Si l'environnement institutionnel de l'école s'est profondément renouvelé, le projet pédagogique de l’école s'inscrit en revanche dans une grande continuité : la maîtrise des outils mathématiques reste le fondement de la double compétence en statistique et en économie, socle à partir duquel les élèves choisissent ensuite de se spécialiser en actuariat, en science des données, en finance, en actuariat, en économie ou en sociologie quantitatives.